Impossible de ne pas remarquer Place Wilson la façade particulière du Comœdia ornée des fresques de Jean-René Debarre. Après avoir été un théâtre, puis un cinéma avant de fermer ses portes pendant trente ans, ce lieu cher au cœur des brestois a trouvé une nouvelle raison d’être. Adeline de Monpezat y a installé un espace d’art, éclectique et sans chapelle avec le seul souhait d’exposer des œuvres en cohérence avec l’époque et le territoire. Rencontre avec la directrice alors que la neuvième exposition La Nouvelle Vague Bretonne est à voir jusqu’au 16 avril 2022.
Bernadette Bourvon : Quelle place a ce lieu dans votre histoire personnelle ?
Adeline de Monpezat : Depuis petite j’ai toujours connu Le Comœdia. Ma grand-mère habitait pas très loin d’ici rue Voltaire et quand on allait chez elle, mon père nous faisait faire un détour pour passer devant. J’étais intriguée mais je n’y suis pas entrée lorsque c’était un cinéma, j’étais beaucoup trop jeune. Mais je me souviens des affiches de Orange Mécanique ou Le Crime de l’Orient Express. Et le cinéma a fermé au début des années 1990.
Et trente ans auront passé avant que Le Comœdia n’ouvre à nouveau.
Oui je me suis toujours demandé pourquoi cet endroit n’était pas repris. C’était une institution pour les Brestois. Le rêve de mon père c’était d’acheter ce lieu. Et un beau jour il est arrivé dans mon bureau en disant « J’ai l’opportunité de reprendre Le Comœdia, donc je vais le faire ». Et je suis rentrée peu après pour la première fois ici. Tout était plongé dans le noir et couvert de poussière, rien n’avait bougé depuis la fermeture : la fosse d’orchestre, les sièges de cinéma et la cabine. Et les magnifiques fresques.
Ces fresques sont l’image extérieure et intérieure du Comœdia.
Au début des années 1950, l’architecte Michel Ouchacoff demande à Jean-René Debarre de travailler sur Le Comœdia. Jean-René Debarre c’est vraiment le style des années 1940. On lui doit le bas-relief du Palais de Chaillot « L’Architecte Civil » créé en 1937 pour l’Exposition Universelle. En 2017 quand on a ouvert après 18 mois de travaux, la première expo c’était Le Comœdia nu. L’œuvre c’était le lieu rénové dont on a pas du tout changé les volumes. Plus de cinq mille visiteurs sont venus. Beaucoup de Brestois bien sûr, toutes celles et tous ceux qui l’avaient connu en théâtre, en cinéma et tous les autres qui le découvraient pour la première fois.
L’idée d’installer un espace dédié à l’art était une évidence ?
Oui c’est venu naturellement. Nous désirions poursuivre l’histoire culturelle originale du lieu. Mes parents ont toujours été des amateurs d’art et fréquenté des artistes. Ils m’ont emmenée très tôt dans les salles de ventes ici à Brest où j’ai eu mes premiers émois devant les toiles de l’Ecole de Pont-Aven. Après c’était l’Impressionnisme et des amis m’ont fait découvrir l’art africain et asiatique. J’ai travaillé à la galerie Lelong quand je faisais mes études à Paris. Et je suis mariée à un sculpteur. C’est important les rencontres. Je rêve d’ailleurs d’une rencontre avec un mentor avec qui je pourrai m’entretenir, avancer et apprendre.
Et pourtant vous n’avez pas travaillé dans le milieu artistique jusqu’à maintenant ?
Je suis née dans une famille d’entrepreneurs. En 1923 mon arrière-grand-père ouvrait la première solderie en France ici à Brest. Après Sciences-po Bordeaux et un DESS marketing et communication au Celsa, j’ai fait mes classes chez Bouchara. Ma mère en gérait la Centrale d’achat et en 1996 on a lancé l’opération « De la toile au tissu ». Par envie de démocratiser l’art avec du tissu au mètre. On a travaillé avec des artistes : Arman, Folon, Corneille et Louis Cane, comme cela s’était fait avec Dufy et Delaunay. Il y a eu plusieurs éditions avec François Boisrond, Hervé Di Rosa et Rougemont. Et aussi Hilton McConnico et Gérard Garouste.
Quand on ouvre un espace d’art on se pose la question de l’identité, de ce que l’on veut dire ?
On a des parti pris en choisissant des artistes que l’on aime et que l’on a envie de défendre. Les décisions se prennent en comité, je ne décide pas toute seule. On peut avoir envie de faire re découvrir un artiste comme Archiguille peintre de l’abstraction lyrique. Ou travailler sur un thème : Feminae une exposition d’œuvres de femmes, Visions d’Afrique et ses trente-cinq artistes ou New Pop. La Nouvelle Vague Bretonne montre des oeuvres d’une dizaine d’artistes dont Yvon Daniel, Yann Kersalé, Matthieu Dorval, Isthme. Je pense qu’il y aura une deuxième exposition de la Nouvelle Vague Bretonne, tellement le territoire est riche.
Comment appréciez-vous la place de votre espace dans la ville ?
Depuis l’ouverture nous avons accueilli plus de vingt mille visiteurs. C’est aussi un lieu de rencontres et de conférences, prochainement celle de Yann Kersalé le 26 février. On essaie aussi toujours de proposer un éventail de prix : des sérigraphies, des prints signés et numérotés, des lithographies à partir de quatre-vingt euros. On veut s’adresser autant au collectionneur qui achète régulièrement qu’à l’amateur qui aura un coup de cœur.
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