Les premiers graffs remontent à l’aube de notre humanité. Les premières traces proviennent des femmes et des hommes de la Préhistoire, qui nous laissèrent le témoignage de leurs empreintes et de leurs dessins sur les murs des grottes.
Comme les oeuvres des graffeurs actuels, ils
signifient en partie la même chose : « J’étais là » et le mur comme support conservera durant un temps plus ou moins long la mémoire de leur action ou de leur pensée.
Brassaï a immortalisé avec son appareil photo les graffiti des rues de Paris ou ceux des prisons à partir des années 1930, en affirmant que « graver sur un mur, c’est retrouver l’antique geste humain et aussi l’antique façon de découvrir le monde ».
Bernard Quentin, lier les hommes par le tracé
Bernard Quentin, né en 1923, artiste appartenant à la Seconde Ecole de Paris et qui a
fréquenté entre autres Picasso, Max Ernst et Giacometti, a toujours été sensible au pouvoir de l’écriture, de son graphisme et de ses significations. Au coeur de sa création, dès les années 1960, les mots et les dessins s’emparent des toiles et deviennent le sujet central avec la série emblématique « Graffiti ».
Par elle, Quentin souhaite atteindre un langage universel et élaborer un alphabet graffé qu’il nomme « Babel ».
Bernard Quentin, Graffiti , 1962, Technique mixte sur coton et vinavil sur bois, 152 x 107 cm.
13Bis, la mémoire de la peinture
13Bis, collagiste anonyme, tapisse les murs de nos villes en recomposant et en décontextualisant les images de célèbres tableaux. Ses oeuvres partent du patrimoine pictural mondial, en faisant appel à notre mémoire collective, pour devenir des oeuvres originales et surréalistes.
Le tableau « Claire Obscure » (collages et peinture de 2018) nous donne à observer une nouvelle vanité, composée d’un nu pris par un photographe anonyme. La coiffe provient d’une oeuvre de Gustave Doré, la bougie et le papillon sont issus de gravures populaires anciennes. Ce tableau nous invite à une méditation contemporaine et poétique sur la fatuité.
Lord Anthony Cahn, la mémoire des murs
Les murs obsèdent ce plasticien international. L’artiste crée des sculptures de toutes tailles à l’image de ceux qui l’ont inspiré. Il fabrique ses propres briques à partir de matières organiques et les couvre de morceaux d’affiches récupérées. Chaque mur porte le nom de la rue où il se trouve et est livré avec son titre de propriété.
Pour Lord Anthony Cahn, chacune de ses sculptures « cristallise un lieu et une époque qui condense un moment de mémoire ».
Wen2, la mémoire des lieux
Wen2, artiste brestois, peint des habitations vides de toute âme humaine, abandonnées, et met en avant notre désintérêt pour les constructions devenues trop
encombrantes pour notre société contemporaine. Avec ses fresques monumentales, l’artiste nous interroge sur notre rapport au patrimoine architectural, notre mode de vie, tourné vers la consommation rapide et le rejet de déchets.
La toile « Le Guen » représente bien une maison existante, Rue Le Guen à Brest ; mais Wen2 nous la dépeint de façon poétique, déracinée, flottante, où apparaît l’envers de son bâti.
Reso, l’empreinte du nom
L’objectif premier de tout graffeur est d’être plus visible que les autres, surtout dans les endroits les plus inaccessibles. Il tague partout son blaze avec les styles de lettrages qu’il veut : Old School, Throw-Up…
Reso, qui possède pratiquement le titre de Père du Wild Style, part des lettres classiques de son pseudonyme et les déstructure de façon à les rendre illisibles pour les non initiés. La série «Empreinte blanche », créée au Maroc à partir de sacs en toile de jute et de cartons, en est la brillante illustration.
Soemone, les traces de la destruction
Le tag ou la fresque en milieu urbain est inéluctablement destiné à disparaître. Au mieux, nous assistons au fil du temps à son effacement, voire à son recouvrement par d’autres Street artistes, quand ce n’est pas sa disparition totale par le nettoyage des services municipaux.
Le très respecté artiste Soemone, référencé dans la bible des writers de Lokiss «Graffiti, 50 ans d’interactions urbaines », « un livre écrit par un Writer pour les writers », explore le caractère éphémère des représentations en travaillant sur l’effacement, la destruction, qui créént en soi une nouvelle oeuvre d’Art.
Levalet, la mémoire de l’actualité
Dans ses dessins à l’encre de Chine sur papier, Levalet nous parle de nous, de notre rapport au monde, à l’économie, à l’environnement, à la consommation : il constate et fait part, avec beaucoup de délicatesse et d’humour, des grandes problématiques de notre société contemporaine, aussi bien sur toile et papier encadré, que sur les murs de nos villes.