« Dans son rapport avec la musique, décliné depuis 1992, le projet de Richard Di Rosa tient du défi : capter un instant de jeu musical, l’immobiliser sous la forme d’éléments plastiques simples, qui s’imposent immédiatement, tout en demeurant au plus près du dynamisme qui lui est propre. Le paradoxe est ainsi clairement affirmé ; d’un côté, le puissant catalyseur que représente le choix d’une musique ou d’un musicien, à un moment donné, de l’autre un objet qui fixe une fois pour toutes cette joie éphémère de l’écoute, pour en laisser une empreinte palpable, fortement ancrée dans la matière et la couleur.
Di Rosa démontre que quelques figures et combinaisons de signes peuvent suffire à traduire l’identité d’un personnage musical, à la manière d’une signature ou d’un pictogramme. Visant généralement un trait essentiel à la pratique d’un instrument, il obtient des sculptures qui rythment l’espace, notamment à travers le jeu de formes pleines, massives, vivement colorées, et de tiges qui produisent une impression de flexibilité, contribuant à donner aux objets un aspect aérien, fugitif, qui les infléchissent vers le geste. Les instruments sont comme distanciés, en raison du changement de matériau qui s’est opéré, car le langage plastique doit pouvoir reprendre ses droits. Libérant de manière ludique leurs formes des contraintes fonctionnelles, il montre non seulement le musicien et son instrument, mais également d’éventuels accessoires (un pupitre, un micro, un spot lumineux, qui se confond souvent avec le socle de la sculpture) comme autant d’éléments d’un théâtre dont les pôles d’attraction peuvent se révéler tour à tour aussi bien sonores que visuels, se rejoignant dans la force d’un vécu qui s’adresse simultanément à l’œil et à l’oreille. »
« Lorsque R. Di Rosa associe par exemple le musicien et son instrument, les formes se conjuguent, s’entremêlent, et l’objet devient un appendice du corps, se fond en lui ; au moyen d’un nombre réduit d’indices, il parvient ainsi à traduire avec justesse le type d’osmose qui finit par s’imposer entre eux.
Pour une commande de la Cité de la Musique à Paris, R. Di Rosa avait conçu une sorte de petit orchestre constitué de cinq figures. En fait, comme en une polyphonie, celles-ci renvoient à différentes approches, nécessairement complémentaires, de la musique : avec ses personnages disposés autour de lui, le monocorde évoque tout à la fois l’origine de l’art des sons en occident (on sait le rôle que joua cet instrument dans l’organisation de la gamme) et l’apprentissage. La sculpture présentant un musicien jouant d’un instrument à anche incarne la musique en acte. L’œil met en relief la part du regard dans la séduction qu’elle exerce. Quant à l’oreille, elle rappelle bien sûr que celui qui écoute reste un des acteurs essentiels pour un tel phénomène de communication et d’échange. Placé au centre, le chef d’orchestre semble là pour harmoniser l’ensemble. Il est aussi celui qui, par ses gestes, donc à la suite d’impulsions d’origine visuelle, déclenche les événements sonores. A sa manière, R. Di Rosa propose en quelque sorte ici une vision concentrée, emblématique de ce que s’efforce de mettre en œuvre la Cité de la Musique dans les multiples domaines où la réalité musicale se trouve concernée. »
Jean-Yves BOSSEUR